Il y a ceux qui arrivent dans un pays et s’intègrent directement. Parfois un peu vite à mon goût. Comment peux-tu sérieusement prendre les expressions du pays en une demie semaine ? Comment peux-tu en connaître le sens exact et les placer au moment opportun ? Comment cela peut-il sembler naturel ? Je travaille au Québec, entourée de beaucoup de français, mais au milieu de Québécois tout de même. Si les expressions de ces derniers me laissent toujours un petit sourire en coin, elles me font plutôt sursauter lorsqu’elles sortent de la bouche de mes amis français. Certains les utilisent à bon escient et j’en suis toujours bien étonnée. D’autres ont l’air forcés.
Pour ma part, je ne suis pas de ceux qui cherchent à tout prix à se fondre dans le paysage de leur pays d’accueil. Je suis ravie d’être ici. J’aime ce pays qui nous a ouvert ses portes, et les gens qui nous accueillent. Mais je suis Française. Et ça, je ne peux pas le changer. Je ne compte pas le cacher non plus. Je continue d’utiliser mes expressions bien à moi, bien à nous, là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique. Je garde mon petit accent que je n’entends pas d’ailleurs mais qui fait, lui aussi, parfois, un peu rire mes collègues. Je garde mes habitudes aussi. Sans vouloir cultiver la différence pour autant. Juste parce que cela fait partie de moi. Que “c’est” moi. Si je suis ici, à ce poste, dans cette vie, c’est aussi parce que je suis Française justement. Avec mon histoire et ma culture.
Et pourtant… Pourtant, je deviens de plus en plus Québécoise !
2 ans et demi passés ici, déjà. Il faut croire qu’on ne peut pas vraiment lutter. Je ne lutte pas d’ailleurs. Simplement je ne me force pas. Mais je dois avouer me surprendre moi-même sur quelques-unes de mes intonations de voix. Ça a commencé dès mon premier été je crois. Au premier retour en France en réalité. C’est là-bas que je me suis surprise moi-même. De retour au milieu des miens. J’ai eu la sensation d’avoir cette voix chantante. Je me suis arrêtée plusieurs fois au milieu de mes phrases. M’étonnant moi-même. Quelques expressions par ci par là aussi, notamment celles que je trouve finalement vraiment appropriée. Je ne sais d’ailleurs plus comment le dire autrement. Est-ce qu’on dit un équivalent de “pas si pire” en France ? C’est certainement la première que j’ai adoptée et que j’ai pas mal utilisée je crois ! Notamment lorsqu’on m’interroge sur la vie ici. Mon premier hiver. Puis le second. Benh… “c’est pas si pire”! (Une fois bien préparé). Mais voilà, mes expressions d’ici s’arrêtaient à peu près à ça.
Souvenez-vous de mon petit lexique Québécois, réalisé lors de ma première visite au Canada, bien loin de me douter que j’allais y revenir m’installer ! Aucune de ces expressions n’est aujourd’hui dans mon vocabulaire courant. Et pourtant, je peux vous dire que si toutes ne sont pas entendues au quotidien, “chum”, “tuque”, “niaiser” sont bien plus que courant !
Mais récemment, j’ai la sensation que tout un tas de nouvelles expressions sont entrées dans mon vocabulaire. Pas tant des mots courants, non, mais bien des expressions ou tournures de phrase. Elles sortent même si naturellement… mais ne m’empêchent pas de m’arrêter dans mon élan ensuite. Comme si elles sortaient de la bouche de quelqu’un d’autre et que je cherchais qui, justement, avait bien pu les prononcer. Mais non, c’est bien moi !
Je suis donc parfois “pognée” dans le trafic (ou plutôt en meeting toute la journée d’ailleurs – même si je ne suis pas sûre que l’expression réelle fonctionne dans ce cas), je reçois des emails “longs de même”, j’ai “meilleur temps” de partir plus tôt, ou de passer par la droite, et passe parfois mes journées avec des gens “bien intenses”. Mon site est de temps en temps tout “fucké”. “Ça prend” du monde pour y arriver.
Et j’en oublie certainement encore…
Si bien que… je m’arrête là, c’est l’heure de manger un grilled cheese parce que le croque monsieur, c’est so français…
4 Blabla ! sur "Quebecoise malgre moi !"
Je travaille avec beaucoup de Français alors j’ai pas tant pris d’expressions. Je dis beaucoup «pis», «comme» et «fait que», je commence à dire «à… (tous les jours)» alors que l’expression me choquait beaucoup… Le fait d’avoir un enfant qui s’exprime avec bcp d’expressions quebecoises me met un peu dedans aussi. La première fois qu’elle m’a dit «je veux m’abrier avec la doudou», je suis restée comme deux ronds de flanc, incapable de comprendre le terme «abrier». J’étais sûre qu’elle mélangeait un mot mais je n’arrivais pas à savoir lequel. Et puis non en fait 🙂
Perso, j’utilise “pas si pire” en français, et je ne savais pas du tout que c’était une expression d’origine québécoise (je ne pense pas que beaucoup de gens l’utilisent en France). Pour habiter en Angleterre, j’ai un ‘souci’ du même genre : j’utilise des expressions anglaises que mon cerveau traduit en français : ça fait sens (it makes sense) par exemple. J’imagine que c’est quelque chose auquel on ne peut pas échapper quand on s’installe dans un autre pays. xx
Nous ne sommes pas restés assez longtemps pour prendre autant d’expressions, malgré tout, 3 ans plus tard (déjà!) quelques “mots” sont restés. Le “c’est pas si pire” me plaît bien et le “Bon matin” aussi 😉
Eh oui, c’est normal de pogner quelques expressions quand on habite à l’étranger 🙂
Pas si pire = pas si mal, je dirais !
Quasiment 4 ans après le Québec, on continue à utiliser certaines expressions qu’on aimait bien : “pas pantoute”, “ça a pas de bon sens”, “beh là”, “c’est poche”… c’est normal aussi, la langue “étrangère” s’intègre à ta propre culture avec le temps.