L’allaiter envers et contre tout

Publié le mercredi 04 octobre 2017 dans MaRiNeTTe maman !  |  4 Commentaires  | Voter Hellocoton

Je me souviens de ces questions incessantes avant la naissance de Mister Caribou. Vais-je allaiter ? Comment ? Pourquoi ? Je n’y connaissais rien mais ici au Québec, l’allaitement est la seule chose qu’on nous martèle en tête à partir du moment où l’on attend un enfant. Peut-être ai-je fait un blocage sur le sujet ? Parce qu’aujourd’hui, ça m’irrite. Je n’entends que cela. Les encouragements pour l’allaitement. Lors des cours de préparation à la naissance, sur 4 sessions, une entière est passée sur l’allaitement. Non pas l’alimentation du bébé. Non non. L’allaitement. Celles qui ne souhaitent pas s’investir dans cette aventure pourront poser leurs questions à la fin de la session. Mais en attendant, elles n’ont qu’à bien se tenir. Et puis, de l’autre côté, il y a les français. De Montréal ou de l’autre côté de l’Atlantique. Peu importe. Celles et ceux qui s’étonnent que je me lance de nouveau dans l’aventure. Les commentaires sur le fait que je devrais arrêter, passer à autre chose, chercher d’autres solutions. Les petits encouragement pour me dire que c’est bientôt terminé. Pour ou contre, 2 ans plus tard l’allaitement fait toujours beaucoup parler !

 

Sauf que… aujourd’hui, je sais ! Je sais tout  ce qu’on ne m’avait pas dit à l’époque de Mister Caribou. Je sais la facilité et les grandes difficultés. Je sais les moments partagés et les moins appréciés. Comment le nier ? J’en ai dédié un article pour justement le crier haut et fort. Et probablement pour me souvenir aussi, justement. (On reviendra plus tard sur le fait qu’on oublie bien vite, hein, surtout pour ce qui concerne les épreuves de la maternité…).

 

Parce que oui, malgré tout, j’ai décidé d’allaiter, encore une fois. Mais c’est bien souvent à ce sentiment d’emprisonnement que se résume encore l’expérience. Prisonnière. Prisonnière de mon choix, ou non choix plutôt. Je ne sais pas vraiment si je peux affirmer avoir décidé quoi que ce soit. Québec oblige. Malgré une expérience bien différente cette fois-ci… Le sujet allaitement est cependant apparu d’une façon un peu similaire. Notre Petit Nemo a été transporté d’urgence à l’hôpital pour enfants à sa naissance. Autant vous dire que la question de l’alimentation n’était pas vraiment ma plus grande préoccupation (même si en l’occurrence, oui, la situation justifiait la question puisqu’il n’était justement pas capable de s’alimenter). Lorsque je l’ai retrouvé dans cette petite pièce remplie de médecins, l’une des premières personnes qui m’a parlé était présente pour me dire “puisque vous souhaitiez allaiter…”. Hummmm… Wait. Je souhaitais ?! Mais qui donc l’a su / décidé pour moi ?! Bref, il me semble avoir osé un “Je ne sais pas”. On m’a argumenté Ô combien cet enfant avait besoin de ça. “C’est de l’or pour lui”. Comment culpabiliser en 3 secondes une maman ayant accouché le matin même et ne s’étant pas assise depuis… On a osé un peu plus tard 2 ou 3 allusions au chirurgien sur cette façon qu’ils avaient de nous pousser l’allaitement sous le nez, telle la seule solution possible, et puis…

 

Et puis je me suis laissée embarquée dans l’aventure. De nouveau. L’aspect “je vais essayer voir si cela fonctionne et on avisera” a été pas mal écarté cette fois-ci. Puisque cette fois-ci, tout était différent. Même si j’ai bien pensé aussi que son frère avait eu le droit à cette aventure, alors pourquoi pas lui ?

 

Il m’a fallu tirer mon lait quotidiennement pendant l’hospitalisation de Petit Nemo. Lait étiqueté, millimétré, stocké pour lui être redonné plus tard, lorsqu’il serait capable. D’abord par sonde. Puis par biberons. 5ml par 5 ml au départ. Pour savoir s’il supportait. Des jours et des nuits timés par le tire-lait… LA chose qui me faisait pourtant le plus horreur dans l’allaitement. Nourrir mon enfant au sein, ok. Tirer mon lait pour ensuite lui donner le biberon… jamais ! Et pourtant… On m’a joyeusement installé un tire-lait personnel dans la petite chambre de Petit Nemo. J’ai assidûment répondu aux attentes. Il faut dire que j’étais surveillée. Les premiers jours du moins. On a très vite vu que j’étais plutôt bonne élève. Il faut dire que l’heure de tirer mon lait a été ce qui donnait le rythme à mes journées. Ce qui les remplissait aussi. Installer le matériel. Récupérer les bouteilles. Puis les étiqueter. Aller les apporter au laboratoire. Presque fièrement. Nettoyer le tout. Bien noter l’heure pour prévoir le prochain “rendez-vous”. Tellement bonne élève que les visites de “coaching” se sont donc espacées pour disparaître assez rapidement. Je me suis retrouvée seule dans l’exercice. Plus personne pour me féliciter de la “production”. Plus personne pour m’encourager quant à 23h, au lieu d’aller dormir, j’attendais les yeux entre-ouverts pour faire “une dernière bouteille” avant la nuit. J’ai aussi eu le droit aux commentaires désobligeants. Ceux du médecin qui t’annonce que si tu veux prendre une pause “pour tes seins” c’est en milieu de journée, parce que le lait de la nuit est le meilleur. Honte sur moi d’avoir profité du privilège de la maman au nourrisson hospitalisé sous haute surveillance en tentant de dormir une nuit complète… Les rendez-vous tire-lait sont aussi ceux qui m’ont retenue à l’hôpital bien plus tard que prévu les quelques soirs où j’avais prévu de rentrer à la maison voir Mister Caribou le temps d’une soirée. Parce que, allez, j’en fais encore un avant de partir. Ce sont aussi avec eux qu’a démarré “l’angoisse de la production”. Sachant exactement combien je produisais et combien il buvait… Voyant les stocks réduire à vue d’œil…

 

Mais… c’était bien la seule chose que je pouvais faire pour ce petit bébé, inconnu, avec qui je ne partageais rien, ou presque, que de lui fournir un peu de moi. Tirer mon lait est devenu le lien entre lui et moi. L’activité qui me confirmait que j’étais bien maman une nouvelle fois, alors que rien d’autre ne se passait “normalement”.

 

Puis très vite tout a fonctionné. Les efforts ont été récompensés. On m’avait dit que cet enfant ne boirait probablement jamais au sein. Même s’il avait besoin de MON lait. Je ne sais pas si c’est lui ou moi qui a voulu défier un peu ce médecin un poil négatif. Mais la première tentative a été la bonne. On aurait dit qu’il avait fait ça toute sa vie. Mon petit fragile a bu et pris du poids. On a même gagné le droit de sortir. Oh oui on est revenus. Pour diverses raisons. On a connu le tire-lait encore. La sonde, de nouveau. Le biberon millimétré. Et le retour au sein aussi.

 

allaitement

 

On a pris nos habitudes. Nos petites marques à nous dans cette aventure. J’ai retrouvé “un petit bébé”. Celui qui s’endort sur moi. À toute heure du jour ou de la nuit. Celui que j’ai eu si peur de ne pas vraiment avoir. On a poursuivi les biberons quelques temps. Pour profiter un peu de cet avantage gagné malgré nous. Mon bébé allaité qui sait tout aussi bien prendre le sein que le biberon. Et puis on les a espacés. Parce que non, tirer mon lait ne me semble pas du plus naturel. Et ils ont disparu. Parce que lui l’a décidé. On n’a pas insisté. Parce qu’à nouveau, je lui devais bien de respecter ça. Il menait déjà tellement de combats.

 

J’ai repris le rythme de la maman qui allaite. Ou plutôt, son rythme. Un bébé dans les bras parfois toute la journée. Et aussi souvent qu’il le souhaite la nuit. Les sorties timées. La montre à regarder. Les couchers que je suis la seule à pouvoir gérer. Le poids à surveiller. Celui qui te fait culpabiliser. Parce que finalement, toi seule en a la charge. Les dîners les bras souvent chargés. J’ai refusé de jouer avec mon aîné. J’ai laissé son père le coucher. Et le lever aussi. J’ai ce fil de nouveau attaché à mes pieds : ce petit bébé allaité. Celui avec qui je partage aussi ces petits moments privilégiés. Ceux pour lesquels un papa râle parfois, parce que lui, ne les connaîtra pas. J’ai repris le rythme de ces petites rencontres. Diurnes ou nocturnes. Ces petits moments où je te vois évoluer comme jamais. Ceux où je me rends compte comme tu grandis si vite. Des tétées concentrées lorsque tu es affamé, aux tétées juste pour jouer. Nos yeux dans les yeux. Ta main qui me cherche. Ton petit corps de plus en plus lourd, mais de plus en plus doux.

 

Et les difficultés qui se sont ajoutées. Le bébé allaité auquel on ajoute des allergies détectées. Le régime alimentaire à adapter. Chez moi. Pour lui. Régime contraignant. Ô combien contraignant même. Le genre de régime qui te coupe rapidement toute vie sociale. Parce que la chieuse, c’est toi (enfin, moi !). Ne plus rien manger qui soit du “préparé”. Devoir tout éplucher, tout décortiquer. Prendre de nouvelles habitudes. Refuser les gâteaux qui te font tant envie. Ne pas regarder la pizza pleine de fromage. Arrêter de lorgner sur le grilled cheese. Ne pas penser au cookie qui te réconforterait si bien après cette journée difficile. Fuir les restaurants. Et tenter de garder fière allure, malgré tout. Assurer haut et fort que tout va bien, la larme à l’œil de ce dernier plat qu’on vient finalement de t’annoncer pas pour toi. (Je vous parle très vite du régime sans protéines bovines et sans soja !).

 

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Photo par Aline Dubois

 

Et malgré tout… continuer. Continuer de l’allaiter envers et contre tout. Parce que je continue de l’aimer chaque jour plus fort que tout. Continuer de répondre aux questions, qui chaque jour, se répètent. “Mais pourquoi ?” “Jusqu’à quand ?” “Et ça, tu as le droit ?”. Parce qu’on ne m’a pas donné le choix aussi. Parce que Québec peut-être ? Mais parce que, LUI, aussi. “Prendre le risque” de lui donner une préparation, aussi adaptée soit-elle, serait justement un risque. Est-ce que c’est vrai ? Est-ce que c’est un trop plein de zèle du médecin ? Je ne sais pas. Et peut-être que je ne veux pas savoir. Parce que vois-tu, me dire que “je n’ai pas le choix”, parfois, ça fait passer les choses. En vrai je ne suis pas sûre. Peut-être que cela les rend aussi plus compliquées, d’autres fois. Plus difficiles à supporter. Parce que ce n’est pas mon choix. L’ambivalence de la maman tu crois ? Peu importe. Je l’allaite. Je continue. Je ne sais pas jusqu’à quand. Peut-être qu’il va manger solide demain ? Mais non, pour l’instant, ça ne changera rien pour moi. Il va boire, encore quelques mois, au moins, j’imagine. Et oui peut-être que les allergies disparaîtront. Mais on ne sait pas quand. Et d’ailleurs je ne veux pas savoir. Y penser. Compter. Décompter. Pour l’instant c’est comme ça. Et puis… Je lui dois bien ça, non ?

 

Après tout, quelques mois de privation dans une vie de plaisirs… est-ce si insurmontable ?!

 

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    4 Blabla ! sur "L’allaiter envers et contre tout"

  1. Cassonade dit :

    J’en suis à 11 mois de régime sans protéines de lait de vache, pour le bien de mon bébé allergique allaité. Et aucune idée de combien de temps cela va encore durer. Sevrer ? La tentation est là. Mais pour lui donner quel lait ? Allez, on va continuer d’allaiter encore un peu…
    Moi aussi je suis la chi**se qui ne peut rien manger quand elle est invitée. Non, ton yaourt sans lactose, je peux pas. Non pas de fromage de vache. Non pas de crème non plus. Et tu as mis du beurre dans ton gâteau fait maison ? Et c’est gentil, mais le nutella, c’est pas possible non plus…
    Mais avec le temps, l’allergie passe chez la plupart des bébés. Mes écarts de régime, quand parfois une glace est trop tentante, ne semblent plus laisser de traces chez bébé, alors que les premiers mois c’était bébé malade à tous les coups. Aux 1 an de bébé, on pourra tester l’allergie, si elle est partie, nous pourrons manger de nouveau normalement. Tous les deux. Parce que diversifier bébé avec ce régime imposé, c’est aussi souvent compliqué. Lui donner un petit pot ? Le choix est limité, 80% des produits en rayon lui sont interdits.
    Courage. Fais des crêpes au lait de chèvre. Trouve une pizzeria qui accepte de remplacer la mozza par de la feta. Et réconforte toi avec un bon chocolat chaud au lait d’amande. Et les bons croissants de la boulangerie, la glace straciatella, la tartiflette et la raclette, dans quelques mois, tu pourras de nouveau en profiter. Courage.

  2. Ton article me serre le coeur, et me fait remonter beaucoup de souvenirs sur d’autres préoccupations… Pas facile… J’espère que tu gardes le moral malgré tout !

  3. Nicolas dit :

    Bonjour MArinette, je voulais juste vous écrire pour votre blog qui donne enormement envie d’aller tenter vivre l’expérience Québec!!

    Ma famille et moi devons arriver à Montréal en Janvier et avons hate d’y être juste en vous lisant.

    Continuez d’écrire et de raconter votre histoire et de faire rêver quand à cette destination magnifique qu’est le Canda.

    Merci beaucoup

  4. Lexie dit :

    Plein de courage Marine, je n’ai pas vécu ça car je n’allaitais pas (je fais partie de celle à qui le trop pro allaitement a mis la frousse avant même d’avoir essayé) mais je ne doute pas un seul instant que c’est dur. Tu fais de ton mieux!